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Vie et œuvres de M. Émile Boudier 1828--1920

Peu d’entre nous, sans doute, ont vu à Montmorency, la plaque de bronze qui surmonte la Pharmacie Thomas, sur la place Levanneur.

Encore moins ont eu la curiosité de savoir qui était le personnage majestueux qui y figure. Laissons à M. Lequeux, le plus ancien membre de notre société, le soin de nous en conter l'histoire.

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Introduction

Le souci d'écrire mes souvenirs sur M. Émile Boudier, notre éminent concitoyen a été retenu à l’unanimité par la Société d'Histoire de Montmorency, car je suis probablement l’un des derniers montmorencéens à l'avoir connu, avant son décès à Blois, le 4 février 1920.

La maison Boudier
La maison d'Émile Boudier au 26 de la rue Gréty à Montmorency

Ma marraine, Madame Alfred Moreau, avait sa propriété de campagne 12 rue du Général de Gaulle, à la place de la maison de retraite de la Croix Rouge.

Elle entretenait des relations d’amitié avec M. Boudier, retiré l'hiver dans sa famille à Blois et passant l’été à Montmorency dans sa maison de campagne 26 rue Grétry.

Cette maison existe encore. C’est un grand châlet suisse, suivant la mode de l’époque pour les villégiature d’été. Sa façade, parallèle à la rue, en retrait d’une dizaine de mètres, présente un fronton triangulaire orné d’une grande frise ajourée, ce qui la rend facilement repérable au simple promeneur. A cette époque, elle était isolée entourée d’un jardin avec de grands arbres.

C’est sur les instances de ma marraine, que M. Boudier nous reçut, mon frère aîné Jean et moi, pour nous montrer sa collection d’entomologie, qu’il avait soigneusement reconstituée, après son pillage par les «Prussiens» en 1870, lors du siège de Paris.

Je vois encore ce vieillard d’une affabilité et patience extrême, coiffé d’une calotte de satin noir, trottinant pour nous apporter ses boîtes vertes vitrées, fermées hermétiquement à cause des boules de naphtaline. Il avait des quantités de boîtes, enfermant des bestioles de toutes les espèces du monde, depuis les plus petites mouches aux énormes lucanes, ces derniers munis de pinces simples ou doubles qui auraient pu couper nos petits doigts. Ce sont pourtant les papillons aux couleurs moirées, si variées, les bleus surtout, couleur inconnue dans nos régions, qui avaient particulièrement capté notre attention.

J'ai assisté à son inhumation au cimetière des Champeaux, il faisait un temps magnifique sous un soleil éclatant. Il y avait beaucoup de monde, il y eut bien des discours, que je n’ai pas entendus et auxquels je n’ai rien compris tant ils étaient savants.

En 1953, j'étais présent à la cérémonie de l’inauguration de la plaque de bronze, apposée au dessus de son officine, Place du Marché (aujourd’hui Roger Levanneur) par les soins du comité Stanilas Limousin, à l’occasion du 150e anniversaire de la création des Écoles de Pharmacie et de la Société de Pharmacie de Paris.

Qui était Émile Boudier ?

Émile Boudier est né à Garnay (Eure et Loire) le 6 janvier 1828.

Il devait beaucoup à son père qui fut créateur de l’officine sise côté nord de la place du Marché où il exerça de 1828 à 1853. C'était un excellent mycologue, lauréat de l’Académie Suédoise fondée par Carl von Linné (1707--1778).

Naturellement M. Boudier père, en l’absence de tout établissement d’enseignement valable à Montmorency, se chargera lui-même d’instruire son fils Émile. A 12 ans il l’a initié au travail de préparateur. Il l’inscrivit à l'École Supérieure de Pharmacie de Paris, puis à l’Internat des Hôpitaux de Paris en 1849, et finalement Émile Boudier obtint son diplôme de pharmacien de première classe, le 4 mars 1852.

En 1853, probablement au décès de son père, il prit la direction de la pharmacie et la garda pendant 25 ans, délai minimal pour prétendre à l’honorariat.

La pharmacie, aujourd’hui complètement transformée, présentait une porte centrale et deux vitrines symétriques, où se trouvaierit deux grands vases en verre, remplis de liqueurs jaune et bleue. On y accédait par un perron à deux volées au nombre de marches inégal : 3 d’un côté et 4 de l’autre compte tenu de la dénivellation de la Place.

L'aménagement intérieur était constitué par une série d’armoires, disposées en fer à cheval, derrière un comptoir qui encadrait un espace central où circulaient les clients.

En 1878, M. Charlot a succédé à M. Boudier. Or, en 1945, M. Charlot existait encore à Montmorency. C'est-à-dire qu'il y a eu deux générations de Charlot, comme les Boudier qui les ont précédés. Après M. Charlot, Madame Delatre, dont le mari était directeur de la Société d’aménagement du Rhône, a tenu cette pharmacie environ 10 ans.

L'activité scientifique de M. Boudier

Surtout passionné d’abord pour l’entomologie, Émile Boudier se constitua une importante collection et acquit dans cette discipline une remarquable compétence. Il ne négligeait pas pour autant la Mycologie, la seconde des passions héritées de son père. Il avait en effet la chance d’avoir comme voisin, à Montmorency, un excellent mycologue Joseph-Henri Leveille (1796 1870), auteur en 1855 du texte d’une réédition de l’iconographie des champignons de Paulet, qui l’emmenait herboriser avec lui dans les environs, et l'orienta de plus en plus vers les champignons. Aussi lorsqu'il éprouva la déception de perdre les plus rares exemplaires de sa collection, pillée en 1870 par les allemands, il se détourna de l’entomologie pour se consacrer exclusivement à la Mycologie.

Il avait, en 1854, participé à la création de la Société de Botanique de France, qu’il présidera en 1901.

En 1864, il obtint le prix «Orfila» de l’Académie Impériale de Médecine pour son mémoire «Les champignons au point de vue de leurs caractères usuels chimiques et toxicologiques», qui fut publié en 1866 et traduit en allemand.

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Mais c’est après 1878 qu’il consacra tout son temps à ses recherches et cette remarquable activité est évoquée par Raoul Combes, de l’Académie des Sciences : Il publia de nombreuses notes relatives aux travaux qu'il entreprenait sur des espèces recoltées au cours de ses herborisations ou reçues de ses correspondants pour détermination. Dans toute son œuvre on retrouve la marque de ses hautes qualités de naturaliste descripteur, très heureusement servies par un beau talent de dessinateur et d'aquarelliste. Il eut de nombreux élèves. Il aimait à aider les jeunes, à qui il savait communiquer son enthousiasme pour les études mycologiques. Chaque samedi, hiver comme été, ses explorations dans les forêts de Beauchamp, de Carnelle, d'Écouen, de Chantilly, de Compiègne, étaient suivies par des fidèles disciples attirés à la fois par l'étendue et la précision de ses connaissances, par sa grande expérience de naturaliste, mais aussi par ses qualités de cœur et sa bonne humeur.

En 1885, il fait paraître un important mémoire intitulé «Nouvelle classification naturelle des Discomycètes charnus connus généralement sous le nom de Pezizez», que l’Académie des Sciences récompensera par l'attribution du prix Montagne.

Au cours de ses travaux il avait accumulé une quantité considérable de dessins et d'aquarelles. Il entreprit de faire paraître ces précieux documents. Six cents espèces de champignons furent ainsi représentées en couleur accompagnées de dessins de détail, et de description précises. Les «Icones mycologica» constituent une œuvre considérable dont la publication a magnifiquement couronné la carrière du savant. En 1906, le tiers de l’ouvrage étant publié, l’Académie des Sciences attribuait pour la seconde

ancienne pharmacie boudier
Ancienne pharmacie Boudier
sur la place Levanneur, à Montmorency.

Au cours de sa longue carrière Émile Boudier reçut à plusieurs reprises des témoignages de la haute estime en laquelle le tenait le monde savant. Il fut successivement membre de l’Académie de Médecine, Président de la Société botanique de France et Président de la société mycologique. Il fut élu, en 1902, membre correspondant de l’Académie royale des agriculteurs de Turin, puis en 1908 membre correspondant de notre Académie des Sciences. Au lendemain de la publication des «Icones», en 1910, il recevait la croix de la Légion d'Honneur.

Rayonnement de M. Émile Boudier

Un curieux hasard,au cours de ma vie, me permit d'entendre parler de M. Boudier. Comme ingénieur de l’Aérospatiale j'étais chargé de construire un réservoir de grande dimensions, qui devait résister à une pression de 100 bars.

Il fut décidé de réaliser les essais à l'EAT (Établissement Aéronautique de Toulouse). Ce fut l’occasion de nombreux déplacements de deux à trois jours qui durèrent deux ans. Ces séjours ont été facilités par des cousins de ma femme, M. et Madame Henri Glaudys dont le mari était à la fois docteur en médecine et en pharmacie.

Au cours des soirées que j'ai passées chez eux, nous parlions évidemment de nos métiers respectifs très différents. C’est ainsi que je compris toute l’importance de l’œuvre de M. Boudier auquel il portait une grande admiration.

A Kourou enfin, où j'ai assisté au lancement de la fusée Diamant N°6, j'ai eu la joie de voir dans leur milieu naturel, ces fameux papillons bleus qui m'avaient fait rêver dans la collection de M. Boudier.

Pierre Lequeux

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