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L'Histoire au village : La Fronde

Introduction

L'histoire des siècles passés telle que nous la décrivent les manuels, nous apparaît figée, axée sur quelques personnages (ex. Louis XIV) et se résumant aux faits considérés comme importants : batailles ou traités ; c'est l'Histoire avec un H majuscule& ; mais, grâce aux registres paroissiaux qui, dans notre région, sont conservés pour les plus anciens (Deuil, Argenteuil) depuis les dernières années du XVIe siècle et pour les autres (Montmorency, Groslay etc.) depuis 1630 environ, il nous est possible de connaître la vie quotidienne des populations rurales du duché et de constater ce que furent les incidences des événements historiques sur' la vie de nos aïeux : c'est l'histoire telle qu'elle fut vécue au village.

Deux types d'événements ont alors bouleversé la vie des Français : la guerre d'abord qui, locale ou lointaine est toujours ressentie comme une catastrophe car, si les mouvements de troupes s'effectuent dans la région, ils y provoquent pillages, incendies et parfois destructions des moissons et des villages et, si les populations échappent à ces fléaux, elles doivent toujours supporter les impôts nouveaux, généralement lourds, indispensables au financement des combats.

La seconde calamité est constituée par les phénomènes météorologiques : le XVIIe siècle, que l'on appelle «le petit âge glaciaire» est marqué par un refroidissement du climat : hivers rigoureux et pluies d'été se succèdent en engendrant dans toute l'Europe une série de mauvaises récoltes. Cette carence de la production céréalière provoque automatiquement, dans ce type d'économie à dominante agricole et à faibles rendements, la cherté des grains, donc la misère et souvent la famine.

Comment les paysans et vignerons de notre région ont-ils été affectés par ces changements climatiques ? Quelles furent les conséquences des guerres, notamment de la Fronde qui sévit autour de Paris de 1649 à 1653, pour la population villageoise ? C'est dans les registres paroissiaux que nous tenterons de trouver une réponse à ces questions.

La guerre a commencé lorsque Louis XIII et Richelieu ont, en 1630, fait entrer le royaume dans la «Guerre de trente Ans» ; mais, les combats se déroulant en Picardie puis en Alsace, donc loin de Paris, les manants du duché ne sont guère concernés, même si, parfois, certains incidents leur rappellent l'existence des combats ; on peut ainsi relever à Saint Brice l'indication, entre le 5 et le 25 novembre 1636, de 5 décès et inhumations de «soldats revenant de Corbie» (victoire espagnole). En fait, jusqu'en 1648, la guerre se déroule loin de la région parisienne qui connaît une période de calme. Il n'en est plus de même après la victoire de Lens, remportée par Condé sur les Espagnols ; alors que la paix semble s'installer en Europe, (seuls les Espagnols continuant à nous combattre) c'est une guerre civile qui éclate ; et, cette «fronde» conjuguée à une série de mauvaises récoltes va engendrer une très grave crise économique et démographique dont témoignent tous nos registres.

La Fronde : une tentative pour restreindre le pouvoir royal,
une periode catastrophique pour les habitants de la region

La Première Fronde

La mort de Louis XIII a laissé, en 1643, le royaume entre les mains d'un enfant de 5 ans et celles de deux étrangers : une Espagnole la régente Anne d'Autriche et un Italien le cardinal Mazarin. Profitant de cette situation, grands seigneurs et Parlementaires, c'est-à-dire les magistrats, vont tenter de recouvrer le pouvoir politique que Richelieu leur a en partie ôté tandis que le peuple, lui, se plaint de la lourdeur des impôts que la guerre a générés et veut en obtenir la suppression. La conjonction de ces mécontentements et la concentration des opposants à Paris représentent pour Mazarin une grave menace : s'appuyant sur Condé et ses troupes venues assister au Te Deum célébré à Notre Dame en remerciement de la victoire remportée sur les Espagnols et de la signature des traités de Westphalie qui mettent fin à la guerre contre l'Empire, il fait, en aôut 1648, arrêter 3 membres du parlement de Paris, les plus populaires bien sûr, et de ce fait, provoque émeutes et barricades, soude l'opposition et déclenche la «Première Fronde, celle des parlementaires».

a. d'autriche + mazarin
Mazarin et Anne d'Autriche

Les magistrats souhaitent en effet, que, dans le royaume, les parlements jouent un rôle identique à celui du parlement anglais, c'est-à-dire que ces tribunaux se transforment en un organe politique chargé de contrôler le pouvoir royal. Ils réclament donc: la suppression des Intendants, ces Hommes du Roi, envoyés depuis peu dans les provinces pour y faire appliquer les décisions du pouvoir central et surtout affirment que « Les rois n'ont pas le droit de mettre des impôts sur leurs peuples sans leur consentement» (1) mais ce dernier ne peut être donné que par ceux qui ont vocation à représenter le peuple : les parlements bien sûr !

Refusant de laisser amoindrir le pouvoir de son filleul, Mazarin reste ferme : l'émeute s'étend& ; en septembre la famille royale quitte la capitale et se réfugie à Rueil puis, le calme revenu, rentre à Paris dont elle s'enfuit à nouveau en janvier 1649 pour s'installer cette fois à Saint Germain en Laye. Mazarin fait alors assiéger Paris par les troupes de Condé resté fidèle au Roi tandis que d'autres troupes levées par le prince de Conti (le frère cadet de Condé) et le duc de Bouillon viennent, renforcées par l'armée d'Allemagne que commande Turenne, au secours de la capitale. Le conflit s'aggrave d'autant que certaines provinces soutiennent les frondeurs et que ceux-ci ont pris contact avec les Espagnols.

Le temps joue contre le cardinal : il lui faut absolument reprendre Paris et très vite ! De janvier à mars 1649, c'est autour de la ville, dans l'actuelle banlieue, tant au sud qu'au nord, que se succèdent mouvements de troupes et combats.

Dès janvier deux compagnies d'Allemands sont stationnées à Saint Denis ; elles sont rejointes eh février par les régiments envoyés en renfort avant l'attaque de Charenton qui est passé aux frondeurs. À cette époque où n'existent pas de casernes, c'est chez l'habitant que sont logés les combattants et, comme, de plus, Mazarin n'a pas les moyens de verser les soldes, les régiments «vivent sur le pays» avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer et que mentionnent les archives locales.

À Saint Denis, Pierrefitte, Stains, dès janvier, pillages et meurtres sont signalés ; en février, c'est à Epinay, Montmagny et Groslay que sont logés les nouveaux venus qui, livrés à eux-mêmes, s'adonnent, selon nos sources, aux pillages habituels mais aussi à des viols et à des sacrilèges.

Notons toutefois qu'à Montmorency où Condé est chez lui, on se contente de transformer l'église en écurie et en magasin à fourrage. Par contre, les registres paroissiaux indiquent, dans notre ville comme dans toute la région, une augmentation des décès : cette surmortalité s'explique d'abord par les pertes militaires : ainsi le 8 mars est noté à Montmorency, pourtant éloigné des combats «le décès d'un pauvre soldat». Les victimes civiles sont, toutefois les plus nombreuses tant l'insécurité est générale : même ceux qui cherchent à fuir sont touchés ; tel est le cas de& : «Nicolas Bourdier d'Epinay sur Seine qui décéda à la Barre où il s'était réfugié à cause du siège de Paris et fut ensépulturé au cimetière de céans, le 22e jour de febvrier 1659» (2).

Cependant la misère et la famine provoquées par les pillages sont les cause les plus fréquemment relevées. Ecoutons la mère Angélique Arnauld, abbesse de Port Royal des Champs nous décrire la situation dans la région : «c'est une chose horrible que ce pauvre pays : tout y est pillé, les gens de guerre se mettant dans les fermes font battre le blé et n'en veulent pas donner un pauvre grain aux maîtres qui leur en demandent par charité. On ne laboure plus, il n y a plus de chevaux, tout est volé...» (3). Ces pillages, effectifs dans toute la banlieue, ont provoqué la hausse du prix des grains : le setier (4) de seigle vendu à Paris 6,50 livres en janvier atteint 36 livres en février et 60 en mars, soit 10 fois plus.

Qui peut acheter du pain à ce prix ? Dans les campagnes où les réserves étaient déjà épuisées ou ont été razziées, la famine touche la population, la surmortalité est évidente.

La hausse des prix a pourtant un effet positif: il incite les parisiens, inquiets du blocus, à négocier. Mazarin promettant l'indulgence, le parlement se soumet et la Régente accorde en avril la paix de Rueil.

Voici donc, en théorie, la fronde terminée. Quel bilan peut-on dresser des 3 mois écoulés ?

Abbaye de Port-Royal
Port Royal des Champs

La Deuxième Fronde

La situation économique est désastreuse : les paysans durement éprouvés se remettent au travail, mais les conditions météorologiques fort médiocres n'assureront les 3 années suivantes que de maigres récoltes : les prix des grains resteront élevés.

Dans le domaine politique, la paix est fragile car nul n'a renoncé à ses ambitions et tout peut être remis en cause à tout moment ; il suffit que le rapport des forces, pour l'instant favorable au cardinal, se modifie pour que la lutte reprenne.

L'armée royale ne l'a emporté que grâce à Condé ; mais, le vainqueur de Rocroy et de Lens estime que Mazarin, qu'il méprise, ne lui accorde pas dans le gouvernement la place qui, lui semble-t-il, lui revient de droit : la première. Ambitieux et orgueilleux, Louis de Bourbon, Prince du Sang, est, en 1650, maître de Paris. C'est un danger pour le Cardinal qui le fait arrêter ainsi que Conti, son frère et le duc de Longueville son beau-frère.

Le Grand Condé
Le Grand Condé.

Les «princes emprisonnés» trouvent vite des alliés : les anciens frondeurs se regroupent et organisent l'opposition au Cardinal. Quand, en 1651 les parlementaires se joignent aux princes, le rapport de forces s'inverse et la régente est contrainte de libérer les princes, de convoquer les Etats Généraux et d'éloigner Mazarin.

Cette conjonction entre nobles et magistrats marque le début de la «deuxième fronde» ou «Fronde des Princes» qui va durer 2 ans (1651-1652). La révolte est, cette fois, dirigée non par de simples robins mais par les plus éminents membres de la noblesse française car, outre les Condé, nous voyons Gaston d'Orléans (le frère de Louis XIII) et la «Grande Demoiselle», sa fille, y participer activement. Pourquoi donc cette révolte nobiliaire à laquelle participe presque toute la famille royale ?

Il s'agit pour «les Grands» de conserver leur statut et leur rôle traditionnels, donc de s'opposer par tous les moyens à l'action du pouvoir central qui vise à leur ôter leurs privilèges et à les priver de leur pouvoir politique.

Louis XIV

Chaque camp se prépare au combat : Condé et les siens lèvent des troupes en province, cherchent des fonds en Angleterre et négocient avec les Espagnols contre lesquels le roi est toujours en guerre. Anne d'Autriche, elle, obtient le ralliement de Turenne et cherche à s'appuyer sur l'opinion publique. Le jeune Louis XIV a atteint ses 13 ans, ce qui, en France, est pour un souverain l'âge de la majorité ; elle fait donc proclamer officiellement la fin de la régence : désormais c'est au Roi et non plus à elle que les rebelles s'opposent : leur lutte et leurs liens avec les Espagnols apparaissent comme un crime de lèse-majesté doublé d'une trahison.

Les combats commencent en 1652, d'abord en province : vers Bordeaux, Poitiers, Orléans puis se rapprochent de la capitale qui a, une nouvelle fois basculé dans le camp des frondeurs et a fermé ses portes à l'armée royale. Celle-ci stationne à Saint Denis où la Cour s'est installée. C'est de cette position que Turenne s'apprête à attaquer Paris lorsque Condé place ses régiments entre Charonne et la porte Saint Antoine. Le 2 juillet, Turenne réussit à encercler les troupes de Condé mais, la Grande Demoiselle, faisant tirer les canons de la Bastille sur l'Armée du Roi, leur permet de se réfugier dans la ville. Après ce «combat du faubourg Saint Antoine» qui est un échec, la Cour s'installe à Pontoise. Turenne continue à guerroyer; mais, Paris résiste et la solution, à l'évidence, ne peut être que politique et non militaire. La mésentente grandit entre Condé de plus en plus arrogant, et les parlementaires soucieux de ne pas «aller trop loin»; des négociations s'engagent : finalement la ville se soumet et ouvre ses portes au Roi qui y fait son entrée en octobre. Condé s'est enfui chez les Espagnols.

La bataille de Saint Antoine
La bataille de Saint Antoine.
Gravure de Coquard,
Bibliothèque Nationale, collection Hennin.

Conséquences

Les conséquences de cette seconde fronde sont plus graves que celles de 1649 car les circonstances ne sont pas les mêmes. Les combats ont duré 5 mois, de juin à octobre, c'est-à-dire en été, saison où les épidémies se développent facilement, surtout quand d'importants mouvements de population en favorisent l'expansion ; les passages des troupes ont provoqué des dégats considérables dans les champs qui, en juillet, n'étaient pas encore moissonnés ; enfin, est survenue en septembre, une période de pluie qui a pourri les raisins.

Quelles traces ces calamités ont-elles laissé dans nos archives ?

Dès le printemps de 1652, la présence des troupes provoque les méfaits habituels pillages, meurtres, incendies et destructions en tout genre sont mentionnés, par exemple à Andilly «la maison de mon frère d'Andilly a été non seulement pillée des Lorrains mais presque démolie, les arbres arrachés et tous les pauvres paysans estropiés..» (5) «On s'entre-massacre tous les jours avec toute sorte de cruauté et d'inhumanité... les soldats s'entre-volent après avoir pillé les autres... toutes les armées sont également dans le même désordre, et c'est à qui pis fera...» (6).

Ces plaintes de la mère Angélique Arnauld, sont corroborées par la description de la situation dans la région de Gonesse «pendant tout le printemps les soldats de Turenne avaient occupé tout le plat-pays, désorganisant la vie agricole, consommant le grain du paysan, réquisitionnant fourrage et chevaux ; assassinant parfois.» (7)

deces annuels à Montmorency
Nombre de décès annuels à Montmorency de 1648 à 1653.

En juillet, sont mentionnées à Montmorency 5 victimes du combat qui s'est livré devant la Bastille : tel «Jean, sieur de Montbrison, cavalier du Roy blessé à mort, au combat du Faux Bourre Saint Antoine (sic) lès Paris a été inhumé au cimetière Saint Martin le 7 du susdit mois». ou «Georges Cousturier, natif de Lancal en Auvergne, âgé de 45 ans, cavalier blessé au service du Roy, en même occasion, enterré au même cimetière..

Certains soldats mettront plus de temps à succomber à leurs blessures puisque nous trouvons le 22 juillet «un pauvre soldat nommé Jean, mort en la maison de Denis Camus» (8) et le 30 aôut encore «un allemand qui de Deuil est venu mourir à Montmorency» est inhumé au cimetière Saint Jacques.

Les victimes civiles ne tardent guère à prendre la relève : dès la fin juillet des épidémies éclatent ; il ne s'agit pas des habituels décès d'enfants, nombreux en ces mois d'été où la consommation d'eau non potable et non bouillie entraîne toujours des cas mortels de dysenterie et autres maladies intestinales ; toutes les catégories de la population sont touchées et la mortalité atteint des records d'autant que la destruction des récoltes génère la hausse des prix et que dès septembre la famine apparaît.

Chaleur, malnutrition, épidémie conjuguent leurs effets ; les décès montent en flèche partout, que ce soit dans la plaine de France, dans les villages de la vallée de Montmorency ou dans les deux villes : Argenteuil et Montmorency, qui, à l'abri de leurs murailles servent de refuge et dont la population à crû de façon notable.

Les registres sont, à cet égard, éloquents : ceux de la paroisse Saint Pierre de Gonesse (7) mentionnent pour l'année 1652 un nombre de décès sept fois supérieur à la moyenne annuelle. Sept fois c'est énorme, mais ce n'est pas le record qui semble détenu par Eaubonne (9). Dans ce petit village de 100 habitants, on compte selon les années de 1 à 4 décès : il y en aura 16 en 1652. La même constatation peut être faite à Montmagny, à Groslay où 41 inhumations sont relevées du 14 au 30 septembre, soit environ 3 par jour mais il faudrait y ajouter celles des groslaisiens qui se sont réfugiés ailleurs : 15 d'entre-eux sont ainsi décédés en aôut à Montmorency. Toutefois les chiffres les plus importants sont recueillis dans les deux villes-refuges où la population s'est entassée.

À Argenteuil, pour les 6 premiers mois de l'année, le nombre des décès reste dans les normes : de 13 à 17 chaque mois& ; puis il augmente, atteint 23 en juillet, grimpe à 62 en août, culmine à 83 en septembre, se maintient à 80 en octobre et ne redescend que lentement puisqu'il est encore de 50 en novembre Qui est touché ? beaucoup d'enfants et de vieillards certes, mais aussi des adultes et parmi eux des réfugiés : sur les 23 décès d'adultes masculins enregistrés en août, deux portent la mention «tués» et sept sont des «réfugiés d'Epinay et Saint Gratien à cause des guerres» (10).

Alors que 407 inhumations sont dénombrées à Argenteuil, Montmorency en enregistre 442 dont 246 pour les seuls mois d'aôut et septembre ; il est à noter que là aussi les réfugiés sont nombreux, l'entassement de la population, favorisant la contagion, explique la surmortalité.

Venus des villages voisins se mettre à l'abri des combats, ces habitants de : (orthographe respectée) Choisy, Margency, Saint Prix, Andilly, Domont, Piscau, Grolet, Deuil et Montmagny représentent environ le tiers des décès puisqu'ils atteignent 10 en juillet sur 33 et 43 en aôut sur 124, mais dès septembre leur nombre diminue.

deces en 1652 à Montmorency
Nombre de décès à Montmorency dans l'année 1652.

Les exemples pourraient être multipliés car la situation est semblable dans toute la région.

En octobre, nous l'avons vu, la Fronde donc les combats, prennent fin mais l'automne est pourri, les vendanges tardives sont à peu près nulles ; or nous sommes en pays de viticulture et nos vignerons doivent, de même que les paysans de Gonesse dont les récoltes sont inexistantes, faire face à la misère et à la perspetive d'un hiver difficile. Des incidents éclatent : des boulangers sont attaqués : «Le mercredi 25 septembre 1652, les boulangers en allant à Paris ont ésté attaquez sur le chemin au delà du Bourget par les gents d'armes de la guarnison de Lagny et trois des boulangers ont esté tuez et ont esté rapporte à St Nicolas de Gonesse, scavoir Jacques Paris et Simon Gaudepin qui ont esté tuez sur la place et Christophe La Perlier dict Le Mesnager après avoir esté frappé a esté porté à la Vilette où il a esté confessé et receu les sacrements et rendu l'esprit à Dieu, tous les trois ont esté mis en sépulture dans le cimetière de Saint Nicolas leur paroisse après leurs services faicts le vingt-sixième septembre» (7).

Une légère amélioration se produit au printemps 1653 ; elle est insuffisante pour rétablir la situation et pendant plusieurs années encore; les difficultés subsiteront : les cens dûs aux propriétaires, devenus trop lourds, seront revus à la baisse, comme c'est le cas à Eaubonne où pour «terminer les differans qui pourraient naitre. pour les non paisances et pertes arrivées...à cause des passages et séjour des gens de guerre de l'armée du Roy tant français qu'estrangers en divers temps de l'année 1652...» (9)un accord intervient en mai 1654.

La saignée démographique forte mais brève, n'a pas que des conséquences néfastes : ont disparu les plus faibles, les «bouches inutiles» et les gens âgés qui, lorsqu'ils étaient chefs de famille faisaient obstacle à l'installation de leurs héritiers. Les héritages ainsi facilités, les mariages se. multiplient et les pertes démographiques sont vite comblées.

Conséquences plus durable pour la population du duché : les biens de Condé sont confisqués et dépendent désormais de l'administration royale.

Quant aux conséquence politiques, elles se feront sentir pendant tout le régne : la victoire du gouvernement se traduit immédiatement par l'abrogation des mesures imposées à la régente : dès la fin de l'année on assiste au retour de Mazarin et au rétablissement des intendants ; mais, surtout le jeune roi n'oubliera jamais qu'il a dû fuir en toute hâte Paris, un petit matin de janvier 1652. Il n'aura de cesse d'imposer son pouvoir en réduisant nobles et parlementaires à l'obéissance. C'est de la Fronde qu'est né l'absolutisme louisquatorzien !

D'autres famines, aussi terribles, vont en 1661, 1693, et surtout durant l'épouvantable hiver de 1709 marquer ce trop long régne. Hausse des prix du pain, épidémies, surmortalités : c'est cela, pour les 20 millions de Français, le régne du «grand roi». Si l'image d'un roi glorieux régnant à Versailles est vraie, elle n'est qu'un aspect d'une réalité autrement vécue par les populations : il n'y eut jamais autant de révoltes paysannes qu'au XVIIe siècle.

Jacqueline Rabasse

prix du froment
Prix moyen du froment à Paris, en livres tournois, au setier de 1,56 hectolitres.

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