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Un montmorencéen d’adoption : Guy Jean Baptiste Target

En mai 1789 le bailliage de «Paris hors les murs» élit ses 16 députés aux États Généraux ; parmi eux figure en bonne place Guy Target, membre de l’Académie Française et avocat célèbre. Qui donc est ce «Représentant de la Nation» ?

Guy Jean-Baptiste Target
Guy Jean-Baptiste Target.

Avocat au Parlement de Paris, il est déjà suffisamment connu à 41 ans (1) pour qu’en 1774, Voltaire et Condorcet le sollicitent pour introduire la demande de cassation du procès du chevalier de La Barre. Malgré ses efforts, c’est l’échec : la demande n’est pas prise en compte (2), mais sa notoriété n’en souffre pas, si bien que 10 ans plus tard, il est lors de l’affaire du collier, le défenseur du cardinal de Rohan et le fait acquitter.

Avocat célèbre donc, mais aussi «partisan des Lumières» (3) ce libéral soutient la cause des Insurgents américains (4) et devient, en 1785, en remerciement de cet engagement, citoyen d’honneur de la ville de Newhaven. Il est enfin nommé par Lamoignon, garde des Sceaux en 1787, président du Comité de législation chargé de réviser le code pénal et participe à la rédaction de l’édit qui, la même année, accorde enfin un état civil aux protestants du royaume.

C’est donc cet avocat de 56 ans qui représente à l’Assemblée Constituante ce qui sera plus tard la banlieue nord de Paris et notamment notre commune dont il est devenu l’un des plus célèbres habitants depuis qu’il a acheté la demeure de la veuve Darrat. Cette «maison de campagne» sise rue au pain, près de la chapelle Notre-Dame, s'étend jusqu’à la place au pain et la rue de la fontaine sur 4 arpents et 60 perches ; elle comprend une grande maison avec cour, basse-cour, écuries et remises, un grand jardin et un logement pour le jardinier (5) . C’est là que notre avocat se repose, l'été, en famille, quand la politique lui laisse quelques loisirs car Target est l’un des membres les plus actifs de la Constituante. Secrétaire puis président de l’Assemblée, il est en outre le rédacteur d’un des nombreux projets de Déclaration des Droits de l'Homme, l’un des organisateurs de la Fête de la Fédération (14 juillet 1790) et membre du Comité de rédaction de la Constitution: son rôle y sera d’ailleurs si décisif que cette constitution de 1791 sera parfois surnommée «la Targinette».

Toute son action visant à propager et défendre les idées libérales, il se prononce, contrairement aux monarchistes intransigeants qui soutiennent le veto absolu, pour un veto suspensif ; de même, il approuve la Constitution Civile du clergé (6) .

Les Constituants ayant décidé qu'aucun d’entre eux ne serait candidat aux élections à l’assemblée suivante, cette très intense vie politique prend fin en septembre 1791 ; Target reprend alors ses activités professionnelles et assume les fonctions de juge au Tribunal Civil de Paris. Il séjourne de plus en plus souvent à Montmorency, mais garde son domicile habituel au 57, rue Ste Croix de la Bretonnerie.

Un homme aussi connu peut-il se retirer vraiment de la vie politique ? Il ne le semble pas. Bien que non député, la politique continue à marquer sa vie : au plan local, car il participe aux réunions de sa section : celle du Marais, au plan national aussi puisqu’en décembre 1792 Louis XVI le désigne pour être l’un de ‘ses défenseurs. Mais Target décline cet honneur. Cette attitude «républicaine» et son activité de secrétaire au Comité Révolutionnaire de sa section en 1793, ne semblent toutefois pas suffisamment révolutionnaires aux Montagnards, qui l’accusent de modérantisme ; aussi, préfère-t-il venir le plus souvent possible à Montmorency où les séjours se multiplient d’avril à août 1793 d’abord, de mai à septembre 1794 ensuite ; Target prenant bien soin de faire chaque fois inscrire dans les registres municipaux son arrivée et celle des personnes qui l’accompagnent (7) . C’est que nul, à cette époque, ne peut circuler, quitter Paris ou séjourner dans quelque lieu que ce soit sans une autorisation. Celle-ci n’est pas toujours facile à obtenir et quand Target, désireux de quitter la capitale où sévit la Terreur, demande au conseil municipal d’Émile «une attestation qu'il a besoin pour le rétablissement de sa santé, la réparation de ses bâtiments et les ensemencements qu'il se propose de faire» de passer quelque temps dans sa maison, le conseil refuse d’en délibérer «jusqu'à ce que le citoyen Target justifie par écrit de l'empéchement mis à son séjour à Émile» (par les autorités parisiennes) (8) .

Moins directement menacé que dans la capitale, Target n’en est pas moins soumis au contrôle du Comité de Surveillance local dont les membres, même s’ils sont sensibles à la célébrité du citoyen juge, l’avertissent «fraternellement de faire enlever les armoiries aux signes de la royauté existants sur la porte de sa maison à Émile» (9).

Une fois la Terreur passée, Target revient à Paris et y reprend ses activités. Il continue sa brillante carrière de juriste au service de l’État, devient sous le Consulat et l’Empire juge au Tribunal de Cassation et membre de l’Institut, participe à la rédaction du code civil et reçoit la légion d’honneur.

Il n’a pas pour autant renoncé à sa demeure montmorencéenne et y séjourne toujours l’été ; c’est là que naît en septembre 1804 sa fille (10) et que s’installe sa veuve, après son décès survenu en 1806.

Sans la réunion des États Généraux et le fait qu’il était le candidat de cette région, il est peu probable que cet avocat célèbre, ce parisien, serait venu vivre une partie de l’année loin de la capitale. Mais, ayant choisi Montmorency, peut-être par hasard et pour une durée, sans doute à son avis, limitée, les circonstances politiques-le firent résider souvent dans notre village qui, d’abord refuge pendant les étés chauds de 1793 et 1794 (il était là en Thermidor) devint ensuite une halte estivale appréciée pour son cadre, son calme propice au travail et sa proximité de Paris.

C’est, selon toute vraisemblance, la raison pour laquelle Target, une fois la tourmente passée, garda sa maison de campagne et resta pendant 16 ans fidèle au village dont il était l’un des plus illustres résidents.

Jacqueline Rabasse

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